Que penser de la feuille de route de l’Occitanie sur l’agriculture à énergies positives ?

Au cours de l’assemblée plénière de la région Occitanie le 14 décembre 2023 à Montpellier, sous la présidence de Carole Delga, les 158 élus régionaux ont adopté à l’unanimité une feuille de route intitulée « Agriculture et énergies renouvelables ». Cette feuille de route pour une « agriculture à énergies positives » vise « les activités agricoles intégrant la production alimentaire, les besoins énergétiques dans leurs pratiques et la production d’énergies renouvelables. »

Adoption à l’unanimité des 158 élus régionaux de la feuille de route « Agriculture et énergies renouvelables » lors de l’assemblée plénière de la région Occitanie le 14 décembre 2023 à Montpellier.

Deux objectifs énergétiques à atteindre

Cette feuille de route a deux objectifs. Le premier est de diviser par deux les consommations d’énergies, le second vise à multiplier par trois la production d’énergies renouvelables dans les exploitations agricoles. Elle a pour vocation, dès l’année 2024, à lancer une « coopérative des solutions » qui rassemblera l’ensemble des acteurs du développement des EnR en milieu agricole pour proposer des solutions et des actions.

La présidente de la région, Carole Delga, a déclaré : « depuis notre Pacte Vert en 2020, nous encourageons la transition agroécologique des exploitations agricoles. Nous souhaitons aller encore plus loin avec la mise en place de cette feuille de route qui contribuera à un nouveau modèle agricole productif, écologiquement responsable et de souveraineté alimentaire”.

Une position claire et cadrée en théorie

Dans cette feuille de route, la région Occitanie définit un cadre strict sur le développement des énergies renouvelables dans l’agriculture. Il repose sur 3 points :

  1. La région Occitanie refuse que la transition énergétique se fasse au détriment de l’essence même de l’activité nourricière que représente le métier d’agriculteur. Aussi, la région Occitanie s’oppose fermement au développement de fermes énergétiques avec abandon de l’activité agricole et rejette l’idée qu’un agriculteur puisse abandonner ses terres ou son activité pour produire de l’énergie. Elle s’oppose en ce sens au dénigrement des agriculteurs et aux projets qui se font sans participation des agriculteurs. Elle exige que la production d’énergie renouvelable et ses installations disposent de retombées positives pour le territoire et les parcelles agricole.
  2. La région Occitanie s’oppose fermement au développement des énergies renouvelables dans les exploitations si c’est au profit de tiers. Aussi, elle repousse la possibilité d’une fuite de la valeur ajoutée du potentiel énergétique des exploitations au profit d’acteurs industriels. Elle exclue la dépendance énergétique des exploitations. Elle se positionne contre la prédation des terres agricoles par les énergéticiens et la mise en place d’installations irréversibles ou qui remplacent une production agricole ou alimentaire.
  3. La région Occitanie rejette avec conviction les projets pouvant dégrader la biodiversité et les paysages.

Au-delà de ce cadre ferme, la région Occitanie s’engage par ailleurs à :

  • Poursuivre et renforcer les accompagnements déjà mis en œuvre par l’AREC Occitanie (Agence régionale énergie climat) au service du monde agricole et des territoires, et les actions entreprises par la Région depuis le Pacte Vert.
  • Conduire un travail prospectif sur l’accompagnement des transformations dans le monde agricole avec l’AREC et l’Observatoire Régional Climat Energie (ORCEO).
  • Mettre en place une « coopérative des solutions » en concertation avec l’ensemble des acteurs sur la question du développement des énergies renouvelables en milieu agricole.

Une portée limitée en pratique ?

Le contenu de cette feuille de route est sur le papier claire et nette. Si la région Occitanie rejette les projets portant atteinte à la biodiversité et aux paysages, l’agrivoltaïsme n’a plus le droit d’être envisagé en Occitanie ! Les prises de parole des différents groupes de l’assemblée régionale ont montré un rejet unanime de l’agrivoltaïsme, comme le présente la vidéo des débats ci-dessous.

Présentation de la feuille de route « Agriculture et énergies renouvelables » par Vincent Labarthe, 10e vice-président du Conseil Régional, et interventions d’élus régionaux.

C’est ce que l’on croit aussi comprendre au début de la présentation de la feuille de route par Vincent Labarthe, 10e vice-président du Conseil Régional, en charge de l’agriculture et de l’enseignement agricole, membre du groupe “Socialistes et Citoyens d’Occitanie” : « L’idée, c’est de s’engager en s’opposant aux projets de production d’énergie renouvelable qui ne seraient pas vertueux pour les acteurs agricoles et pour les acteurs territoriaux. Il y a une forme de photovoltaïque qui est tout à fait intéressante et nécessaire de soutenir. Cela peut être sur les toits mais en aucun cas cela peut être une activité qui vient contredire finalement la capacité de production et l’activité nourricière des sols. Nous nous opposons véritablement à cela. »

Puis il contredit le cadre ferme de la feuille de route en laissant entendre que la région Occitanie est favorable à l’agrivoltaïsme sur les vignobles et vergers : « Pour autant, des nouvelles techniques et des nouvelles technologies sont à explorer, notamment sur des productions à forte valeur ajoutée, je pense à la vigne et à l’arboriculture, où la combinaison des deux peut être possible. C’est ce qu’on essaie aussi d’expliquer dans ce rapport. » Malheureusement ce rapport « Agriculture à énergies positives » n’a pas encore été communiqué et n’est pas disponible en ligne.

Cette prise de position est dans la lignée des actions actuelles de la région Occitanie qui a par exemple cofinancé la centrale agrivoltaïque de Llupia inaugurée en septembre 2022 au-dessus d’un verger de poiriers dans les Pyrénées-Orientales. Cependant elle prend désormais à revers les engagements à partir de 2024 énoncés dans cette feuille de route.

Si cette feuille de route va dans le bon sens, il faut bien constater jusqu’à présent que la région Occitanie n’est pas forcément décisionnaire et que cette position n’a a priori pas de valeur juridique. Alors quelle est la portée effective de cette feuille de route en Occitanie ? Elle peut avoir un pouvoir d’influence sur les préfets qui valident les permis de construire des parcs et sur les acteurs locaux pour leur faire prendre conscience des dangers de l’agrivoltaïsme.

L’urgence d’une clarification

Concrètement, face aux projets d’agrivoltaïsme en cours, comment se positionnent la région Occitanie et sa présidente Carole Delga, par ailleurs présidente du projet de Parc Naturel Régional Comminges Barousse Pyrénées, territoire sur lequel existe déjà quinze projets de parcs agrivoltaïques ?

Notre association « Sauvegarde des Terres Commingeoises » souhaite une clarification au plus vite de la position effective de la région Occitanie. Le temps n’est plus aux injonctions contradictoires pour ne pas susciter de contestations. Le cap doit être clairement présenté.